Les Globe Tutos

Mettre en place une politique d'action culturelle

L’action culturelle en milieu rural, l’exemple de Perche en Nocé

Rencontre avec Olivier Potts, maire délégué de Nocé.

 

La commune de Perche en Nocé est née en 2016 de la fusion de six villages (Dancé, Colonard-Corubert, Nocé, Préaux du Perche, Saint Aubin des Grois et Saint Jean de la Forêt) dans le sud-est de l’Orne pour une population d’un peu plus de 2000 habitants. Depuis 2019, cette commune a créé une plate-forme d’art contemporain « Le Champ des Impossibles » dont à ce jour la principale manifestation est une exposition d’art contemporain nommée « Le Parcours Art et Patrimoine ». Un exemple réussi de politique d’action culturelle en milieu rural.

Les Globe Trottoirs : Pouvez-vous nous raconter comment est née cette idée d’exposition ? 

Olivier Potts : C’est une rencontre avec Christine Ollier, qui est historienne de l’art et commissaire d’exposition qui est à l’origine de ce projet. Nous voulions attirer des visiteurs sur notre territoire rural et aussi le dynamiser. C’est de cette rencontre qu’est né le « Champ des Impossibles ».

Les Globe Trottoirs : Le Champ des Impossibles ou le Parcours Art et Patrimoine ?

Olivier Potts : Le Champ des Impossibles, c’est en quelque sorte le cadre global, la plateforme qui vise à développer l’action culturelle sur le territoire. Le Parcours Art et Patrimoine, c’est l’exposition proprement dite, qui se déroule sur 5 semaines dans l’année.

GT : Pourquoi avoir choisi ce nom de « Parcours Art et Patrimoine » ?

OP : Nous bénéficions au départ de plusieurs atouts. D’abord la proximité d’un côté de l’Ecomusée du Perche, au Prieuré de Sainte Gauburge, et de l’autre côté, de la maison du Parc Naturel Régional du Perche, au Manoir de Courboyer. Ces deux lieux drainent près de 70 000 visiteurs chaque année. Et puis le Perche a un patrimoine architectural assez remarquable, avec de nombreux manoirs, églises et chapelles remarquables. Et au milieu de tout ça, sur la commune, nous avons acheté l’ancienne ferme du moulin Blanchard. C’est un moulin dont la présence est attestée dès le 15è siècle, et nous avons de bonnes raisons de croire qu’il est plus ancien encore…

GT : D’accord, mais pourquoi l’art contemporain ?

OP : Pour une raison historique. Il se trouve que Friedensreich Hundertwasser a vécu à Saint Jean de la Forêt. Tout le monde ne le connaît pas en France, mais il a été un acteur important de la Beat Generation et a fait venir dans sa propriété de nombreux artistes de ce mouvement, dont Piero Heliczer, compagnon de route d’Andy Warhol. Tout cela crée un terreau. Nous nous sommes donc appuyés sur l’histoire de notre territoire, dont l’art contemporain est une composante importante.

GT : Donc vous avez voulu mêler le patrimoine, parfois très ancien, de votre territoire, à de l’art contemporain.

OP : En fait, nous avons voulu dès le départ travailler sur un projet global qui inclue l’histoire, le patrimoine, les habitants et les visiteurs. C’est très important pour nous que la population et notamment les enfants du territoire soit incluse dans le projet. A nos yeux, une politique d’action culturelle ne peut pas se contenter d’attirer des visiteurs, elle doit inclure la population locale et ouvrir nos jeunes à la culture, lien indispensable d’une vie en harmonie.

GT : Comment avez-vous articulé cela ?

OP : Il y a 2 associations qui travaillent sur l’ensemble du projet : Le Moulin Blanchard et Art Culture & Co. Ce qui permet d’articuler la dimension exposition et patrimoine avec la dimension pratique artistique. Parce qu’autour du Champ des Impossibles, nous avons lancé le Parcours Art et Patrimoine en Perche. Si bien que nous aurons à terme un ensemble assez fédérateur qui intègre une collection d’art contemporain, des espaces d’expositions, une maison d’artistes en résidence, une artothèque, une bibliothèque thématique, un lieu de conservation et un parc de sculptures, des expositions temporaires et semi-permanentes, des ateliers de pratiques artistiques et d’écriture, notamment auprès des scolaires, mais aussi auprès de populations spécifiques, comme c’est déjà̀ le cas avec les familles de réfugiés en partenariat avec Nogent-Terre d’Accueil (NDLR : Nogent le Rotrou en Eure et Loir).

GT : Ca doit coûter cher un projet comme ça, non ?

OP : Oui… et non. Le budget global des deux associations est inférieur à 200 000€. On sait depuis le départ que nos moyens sont limités. Donc on a cherché des solutions pour que ça coûte le moins cher possible à la commune. Et ça nous a permis d’élargir encore le champ d’action du projet.

GT : Comment ça ?

OP : Lorsque la commune a racheté le moulin Blanchard, il était en ruine. Il a donc fallu de rénover, en particulier refaire sa toiture, l’isolation, … Nous avons donc noué un accord avec l’association Eco-Pertica pour que le chantier de rénovation soit également un centre de formation professionnelle. Nous sommes également allés chercher l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles pour l’aménagement du jardin et travaillé avec l’association de préservation de l’Abeille Noire du Perche pour y installer des ruches…

GT : Donc au final, vous intégrez votre projet culturel dans une démarche éco-citoyenne.

OP : Exactement. Parce qu’au-delà des expositions, de la sensibilisation à l’art, de la pratique artistique, ou de la formation professionnelle, nous avons travaillé sur les matériaux en circuits courts. Et puis, pour la rénovation du moulin lui-même, nous souhaitons impliquer les bénévoles de l’association et plus largement, la population du territoire.

GT : Malgré tout, ça coûte cher tout ça.

OP : Oui, mais pas à la commune. Nous avons acheté une ruine, qui est en cours de rénovation et qui gagne chaque jour en valeur. Donc notre patrimoine est valorisé. Et puis nous avons également du financement de l’Etat, de la Direction Régionale des Affaires Culturelles et de la Région. Sans parler du financement reçu de la Fondation du Patrimoine et des dons. Nous bénéficions également de mécénat. Enfin, comme les artistes exposés font des dons d’œuvres, la commune s’enrichit !

GT : Ce projet a du bouleverser pas mal de gens, non ?

OP : Bien sûr ! Le projet fait depuis le début l’objet d’une opposition assez virulente d’une partie de la population locale et surtout d’une partie minoritaire du Conseil Municipal avec cette remarque qui résume tout : « Ce n’est pas prioritaire ! ». Le temps doit faire son œuvre pour montrer qu’un tel projet de territoire a également, outre son aspect culturel, une forte dimension économique apportant une clientèle aux gîtes et chambres d’hôtes, restaurants, et autres commerces locaux.

 

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