Hier après-midi, dans le cadre de la série « Dimanche Famille », le Théâtre municipal de Colmar jouait Le Loup et Moi.
Cette pièce de la compagnie Globe Trottoirs narre l'histoire du Petit chaperon rouge du point de vue du loup. Une belle réussite.
« Toute ma vie je me souviendrai d'elle, elle que j'ai mangée. »
C'est par ces mots prononcés par une voix grave que commence la pièce Le Loup et Moi de la compagnie Globe Trottoirs.
Ces mots sont ceux du loup et l'histoire qu'il s'apprête à raconter est celle du Petit chaperon rouge
mais de son point de vue : « Je trouve ça curieux. Nous ne sommes pas très gentils
avec le loup et je trouvais marrant de montrer comment, lui, voyait l'histoire », raconte le metteur en scène Jean-Christophe Smukala. Cette idée est née de son rapport personnel au
conte de Charles Perrault. « Je trouvais ça triste Le Petit chaperon rouge, confie-t-il. Pour un garçon, ce n'est pas facile. Les filles, elles peuvent s'identifier à l'héroïne mais
pour les garçons, rien. »
« Il lutte contre son instinct »
Alors il a eu cette idée de faire raconter l'histoire par le loup. Dans sa pièce, ce dernier n'est pas simplement un « monstre » mangeur d'humains.
Non, cette fois la bête tombe amoureuse de l'héroïne et lutte contre son instinct pour ne plus manger d'humain. Mais la réalité le rattrape : une grand-mère affolée,
une petite fille qui lui offre une galette et hop, elles se retrouvent dans son estomac ! Le loup le sait et le confie au jeune public, il ne fait pas ça par méchanceté;
c'est juste sa nature (animale) : « Je ne supporte pas les cris d'horreur des humains, ni l'odeur de leur cuisine. Ca me donne faim, je ne suis qu'un loup. »
La pièce et le décor sont épurés. Tout est fait en osier et seuls quelques pétales de fleurs colorent cet univers. L'histoire se déroule en tableaux introduits, brièvement, par le loup. Le reste est muet
« pour plus de mystérieux ». Les douces complaintes d'un orgue de barbarie s'élèvent de derrière le rideau comme d'une boîte à musique. Ces airs, inspirés des compositeurs russes comme Chostakovitch ou Tchaïkovski,
plongent le spectateur dans un univers toujours plus merveilleux, plus onirique.
Sur scène, les acteurs gesticulent, miment, grimacent, dansent. Ce savoureux mélange fonctionne. Le public est séduit.
Les éclats de rire des enfants, et des adultes, résonnent dans la salle quand la fillette, cuisinant la fameuse galette destinée à sa grand-mère, fouette la pâte avec de grands gestes, fait des grimaces,
lèche le plat ou se brûle. Les rires éclatent encore quand le loup et le Petit chaperon rouge chahutent dans la forêt. Ils s'intensifient lorsque l'animal dévore la grand-mère, géante de paille dont le jupon
représente la maison. « On ne voit jamais le loup manger la grand-mère. Je voulais montrer cette scène. Je suis originaire du Nord où nous avons la tradition des géants, j'ai eu l'idée de la représenter sous
forme de géante d'osier. C'est la grand-mère, donc elle devait être grande et comme elle est malade elle ne peut pas vraiment bouger. D'où cette idée, sa maison, c'est elle. »
« Je voulais montrer que ce n'était pas une mauvaise mère »
Jean-Christophe Smukala ne réhabilite pas que le loup, mais également la mère. Cette femme qui dans l'histoire originale semble laisser sa fille seule dans la forêt alors que le danger rôde.
« Je voulais montrer que ce n'était pas une mauvaise mère. Elle fait juste une erreur. Elle pense que sa fille est assez grande pour éviter le danger, mais non. » L'enfant se jette dans la gueule du loup en se liant d'amitié voire d'amour avec lui. Pour montrer au spectateur la bienveillance de la mère, le metteur en scène lui fait danser un tango de défiance avec le loup. La femme et l'animal sont alors séparés par une porte en osier sur roulettes.
Après quarante-cinq minutes de spectacle, les applaudissements éclatent dans la salle. Le spectateur est comblé. Les trois acteurs, Bénédicte Vrignault - la mère et la grand-mère, Anne Stösser - le Petit chaperon rouge - et Stéphane Reboul - le loup - remercient le public et le retrouvent dans le hall du théâtre. Une tradition pour la troupe. « Nous aimons parler aux enfants, savoir comment ils ont vécu la pièce, confie Jean-Christophe Smukala. On les raccompagne vers la vie réelle. »